[Article écrit par Adeline Lajoinie pour Happiness Work]


« Survivre est désormais la seule raison d’être des entreprises » assénait dernièrement le rédacteur en chef du Figaro Economie, Jacques Olivier Martin. En plein confinement, les acteurs économiques à l’arrêt vont-ils se focaliser sur la reprise de leur activité ? Ou en profiter pour (re)définir leur place dans la société ? Si l’avenir économique du monde est des plus incertains, la question de la raison d’être des entreprises ne s’est jamais posée aussi urgemment. Telle une nécessité viscérale.


Une raison d’être : pour quoi faire en entreprise ?


La raison d'être d'une entreprise qu’est-ce que c’est ? C’est le “why”, le “purpose” chez nos amis anglo-saxons. C'est la façon dont l’entreprise entend jouer un rôle dans la société. Mais au-delà de sa seule activité économique. En totale opposition au développement d’une philosophie de “raison d’avoir” passant par la financiarisation, la raison d'être, c'est réfléchir à la finalité de l'entreprise. A la manière de créer du sens avec son activité et de développer des démarches de responsabilité sociétale.


En nous inspirant de la vidéo de Simon Sinek sur le "WHY" d'une entreprise, nous nous sommes prêtés au jeu afin de présenté SUR CETTE VIDEO la raison d'être de notre société, Happiness Work.


Le contexte actuel et inédit de crise sanitaire, de lutte contre la propagation du virus, les doutes sur la réalité économique du monde de demain, pourraient (devraient ?) pousser les marques à envisager de dépasser le stade de relation commerciale. A travailler autour de la quête de sens de leur activité. Oui mais pour s’engager dans quelle direction ? Au profit de quelle collectivité ?


A l’heure où beaucoup d’entreprises et de médias se sont gargarisés de la notion de “raison d’être” de l’entreprise, il semble d’autant plus nécessaire de définir avec précision les objectifs humains de son entreprise. Au-delà des séminaires de comité de direction et des belles déclarations d'intention des brochures institutionnelles .


Et de répondre alors, ensemble, à ces 3 questions toutes simples :

  • Pourquoi on existe ?
  • Qu'est ce qu'on apporte ?
  • En quoi le monde serait différent sans mon entreprise ?


Une réalité “philosophique” devenue légale et juridique


Depuis le 22 Mai 2019, la raison d’être d’une entreprise est entrée dans un cadre légal avec la loi PACTE via la modification de l’article 1835 du Code civil. Parmi les 10 mesures de cette loi, on retrouve celle-ci : “Repenser la place de l’entreprise dans la société”


Les entrepreneurs qui le souhaitent peuvent désormais modifier les statuts de leur entreprise pour inscrire une raison d’être « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».


Au delà des mots, la clé de voûte d’un projet stratégique établi


Si les mots sont importants dans les statuts d’une entreprise, quand ils sont utilisées pour définir la raison d’être d’une entreprise, ils doivent être encore plus réfléchis. Car il n’est pas question ici de “bonne conscience” ou de “mission washing”. Si l’entreprise se donne un but sociétal, environnemental, il se doit d’être au cœur d’une stratégie globale bien définie. Sous peine de décevoir salariés, consommateurs et grand public et de générer un “effet boomerang” dévastateur.


La “raison d’être” ne peut pas être de la poudre aux yeux. Et encore moins être créée en fonction d’objectifs marketing, à grands coups de plans médias. Ce n’est ni une brosse à reluire ni une solution miracle à toutes les problématiques de l’entreprise. Si elle ne sert pas à nourrir le projet stratégique, la raison d’être peut vite se transformer en gadget managérial qui promet plus qu’il ne délivre. Car associer résultats économiques et missions d’intérêt général est une entreprise bien périlleuse, qu’il est nécessaire de bien préparer.


Les 3 piliers de la raison d’être



Pour créer ce projet stratégique, pourquoi ne pas s’appuyer sur les travaux du professeur de stratégie Todd Zenger, permettant d’identifier les trois piliers susceptibles de donner de la consistance et de la matérialité à une raison d’être :

  • L’intention stratégique : pour proposer une contribution d’intérêt général au sein d’un secteur donné en fonction d’hypothèses macroéconomiques, sociologiques ou sociétales. Et définir ainsi les objectifs poursuivis.
  • Les actifs stratégiques : la mise en place d’un inventaire des actifs stratégiques tangibles et intangibles de l’entreprise et leur mise en tension.
  • Les parties prenantes : repenser les frontières de l’entreprise en fonction de cette raison d’être et renouveler profondément les rapports entretenus avec les parties prenantes.

Oui mais c’est leur raison d’être...

Pour aider à mieux comprendre cette notion de raison d’être en entreprise, voici quelques bons exemples :

Michelin : « Offrir à chacun une meilleure façon d’avancer »

Yves Rocher : « Reconnecter les gens à la nature »

OpenClassrooms : « Rendre l’éducation accessible – partout, pour tout le monde »

Decathlon : "Le sport partout, pour tous"

Danone : "Redonner tout son plaisir à l’alimentation en innovant sans cesse".

MAIF : “Convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au cœur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions. C’est notre raison d’être.”


Une réflexion complexe et risquée mais devenue essentielle


Pourquoi est-il si important de (re)trouver du sens dans son organisation ? Parce que ce sens définit la raison même de l’existence de l’organisation. Rien à voir avec le chiffre d’affaires, la place en bourse ou le nombre de salariés. Il s’agit de revenir à l’essence-même de son activité. Et de devenir ainsi une source d’inspiration pour tous les membres de son organisation.

Le bonheur et la réalisation de soi passent aussi par ça : trouver du sens à son travail, à son avenir et à ses buts professionnels. Répondre au “pourquoi je fais ça” au-delà de toute préoccupation financière.


Le collectif au coeur de la raison d’être


Selon une étude de l'Ifop pour No Com, Tikehau Capital et l'Essec :

  • 75 % des 1.500 salariés interrogés jugent que présenter la « raison d'être » de l'entreprise dans laquelle ils travaillent est important.
  • Et 77 % estiment que « au-delà de son activité économique, leur entreprise joue un rôle au sein de la société ».
  • Ils sont même 59 % à être prêts à contribuer à la réflexion si leur entreprise venait à se lancer dans un processus de définition d'une « raison d'être ».

D’un autre côté, 51 % des Français, d'après une étude EY, attendent des entreprises qu'elles se rendent utiles à la société. Se préoccuper de bien commun devient tout à la fois un levier de réputation, un facteur clé de différenciation, et donc un net avantage concurrentiel.


Mais pour cela, il semble nécessaire d’avancer ensemble. Et de ne pas se laisser imposer un message purement marketing. Les citoyens, les employés comme les consommateurs demandent une chose pour croire en la raison d’être d’une entreprise : des actes.


Quand consomm’acteurs et employés définissent ensemble la raison d’être d’une entreprise


A l’origine de cette mode, de cette envie, voire de cette révolution autour de la raison d’être des entreprise se trouve le consommateur. Toutes générations confondues, le consommateur s’est transformé en consomm’acteur. Un nouvel individu que l’on reconnaît à sa défiance vis à vis du discours traditionnel des marques et de sa volonté d’entendre parler valeurs plus que produit ou chiffres. Peu de chances que les marques se désintéressent de ce qui leur permet de générer du revenu.


Au-delà de l’individu « consomm’acteur », l’individu « employé » est également un moteur puissant de cette tendance de fond. L’employé d’aujourd’hui a envie de se sentir “engagé” dans son entreprise. Et pas seulement physiquement. Il a besoin de partager ses valeurs, ses objectifs, ses envies de changer un peu le monde. Il a besoin également de se sentir considéré, investi par une mission qu’il partage avec les autres employés. Si de plus en plus d’entreprises accompagnent leurs managers dans cette quête de sens, cela signifie peut-être que les mentalités ont tellement évolué que la fonction même de manager se doit d’être revisitée.


Car comme le dit Edward Freeman, le père de la théorie des parties prenantes, «pouvons-nous rentrer chez nous après une journée de travail et raconter quelque chose dont nous sommes fiers à nos enfants ? ».